Une île à part, flottante dans la marginalité. Pas de malbouffe , on y meurt souvent après cent ans mais le taux de suicide et de chômage y est record. Des rails d’héroïne sur les capots, du sexe, de l’alcool, des ivres morts gisants, un kid aux cheveux blancs et des travelos encore ados, tous ne jurant que par Tokyo, un rêve inaccessible qu’ils touchent du doigt seulement sur les posters scotchés aux murs, aux cotés de stars américaines, mais tellement loin de leur réalité. A Okinawa au Japon, le temps se fige, les gens tournant le dos au futur. Dans ce presque chaos, Ryuichi Ishikawa alors boxeur pro, enleva ses gants il y a quelques années, du ring il passa à la photo de rue armé de son « hasselblad », il dévoile ainsi le quotidien des exclus de son île natale.
Son action? Deux séries de photos illustrant la déchéance sociale : Portraits et Snapshots, au gré de ses rencontres au pif dans la rue, un peu à la roulette russe. Parfois des liens se tissent avec certains décadents, lui ouvrant ainsi les portes de leur intimité. Sans artifices ou coaching de posture, ils prennent la pose sans se soucier de l’objectif.
Pour Ryuochi Ishikawa, son ambition ne réside pas dans « un travail sociologique ou de témoigner sur la condition des gens d’Okinawa. Quand je prends des photos, je le fais de façon instinctive. Ensuite, mes préoccupations sont plus esthétiques que sociales. Je réfléchis aux formes, aux couleurs… Mais quand tu prends des photos de manière honnête, que ton approche est sincère, tu vois naturellement apparaître le caractère sociologique ou politique de ton sujet. »
Dans ses clichés, le sexe y est partie prenante, loin d’être tabou au Japon même si le puritanisme d’Outre Atlantique qui par son influence, adoucit les esprits ultra libertins. Interviewé par Vice, le photographe de 30 ans évoque le Yobai , une tradition olé olé d’hier impensable aujourd’hui: « Les jeunes femmes laissaient un petit indice – une porte entrouverte, un signe devant chez elle – pour que n’importe quel passant entre et lui fasse l’amour. L’homosexualité était elle aussi beaucoup plus présente et acceptée. »
A Okinawa, des groupes LGBT se sont formés grâce à internet, la mode prêt à porter comme sexuelle diffèrent de la capitale japonaise, affirmant son caractère unique. Les travestis arpentent les rues, osant même le trio kimono/coupe en brosse/ maquillage.
De 1950 à 1972, Okinawa était entre les mains des USA. Ces stigmates d’île jetée aux lions pour limiter les dégâts ailleurs au Japon pendant la guerre, semblent indélébiles tant l’île fut sans dessus dessous. Il a fallu reconstruire avec des « détritus » et encore aujourd’hui des bombes trainent ici et là. Le meilleur moyen d’y subsister , c’est d’être artiste, Ryuochi Ishikawa et tant d’autres créatifs de renom l’ont bien compris.