La mode islamique déferle. Une collection Ramadan en 2014 chez DKNY, des fashion weeks à gogo, des stylistes moyennes pointures, les « hijabistas » blogueuses de street style dans le vent et influentes, Karl Lagerfeld ayant choisi Dubaï comme toile de fond pour la collection de Chanel Resort 2015, inspirée par l’idée d’un moderne Orient, genre Les Mille et Une Nuits. C’est indéniable, les maisons occidentales ne font plus la sourde oreille. Le prêt à porter arabe est en pleine mutation, le voile devient un accessoire de mode. Entre pudeur et robes opaques. Yves Saint Laurent serait fier.
-Et si le sexy devenait pudeur- Les robes sombres et les burqas c’est du passé. Il fallait passer un coup de plumeau sur les codes de la féminité musulmane. C’est désormais chose faite, sous l’impulsion des « hijabistas », ces blogueuses mode d’Istanbul à Téhéran, réconciliant depuis 2007 pas à pas la mode et l’Islam.
En chef de fil, Alâ surnommé le Vogue du voile, un magazine turc dont la rédactrice en chef Ebru Büyükdag relevait l’année dernière :
«Les femmes conservatrices commencent à vivre leur religion plus librement et elles ne veulent pas s’habiller comme leurs grands-mères. On essaie de les aider à composer un style compatible avec notre religion.»
Parmi ces blogueuses influentes, Yasmine Kanar, alias «Yaz the Spaz », basée à Miami, spécialisée dans les tutoriaux youtube, ultra suivie par une gente féminine désireuse d’adapter son look aux dernières tendances Haute Couture sans pour autant exhiber ce qui se cache au balcon, sans éveiller l’attention.
Fashion week islamique
Dans un climat de plus en plus hostile à l’Islam, les fashion weeks islamiques se décuplent, 20 shows ont pris place depuis 2006, de Kuala Lumpur à Monaco, de Dubai à Londres. La mode arabe a même paradé lors de la prestigieuse Fashion Week de New York en 2012 au cours de laquelle la créatrice Américaine Nzinga Knight a présenté 10 robes de soirée aux manches longues et aux tissus opaques.
Pratiquante et anti décolleté dans le dos, elle a confié à Grazia être horripilée par la standardisation du sexy dans la mode, « beaucoup de femmes portent ce que les magazines leur disent de porter, et il me semblait que tous les créateurs avaient le même point de vue. » Ses créations s’exportent dans les pays musulmans autant qu’elles ne se vendent aux USA, leçon d’ironie.
La pudeur est tendance
Désinhibée sans trop se découvrir, la dernière génération de stylistes arabes, pointures de demain, propulse les diktats de la tradition, dans le futur avec un langage contemporain. Tekbir est une maison de prêt- à-porter Turc pour femmes voilées, en plein boom. Dans sa collection printemps/été 2015 , la marque use d’aisance, jamais ostentatoire sans faire de vagues dans l’exubérance, avec des jupes longues aux couleurs vives, à l’allure pudique-glam lumineuse.
En Indonésie, plus grand pays musulman au monde, la mode est un haut lieu de création allant même frimer sur les podiums de Londres depuis peu. La tendance c’est l’abaya, une robe ample , au col finement brodé et le voile assorti pouvant même être couvert de cristaux. A Jakarta, les tenues branchées du moment sont à la fois chic et simplistes avec une large gamme de couleurs et de textiles empruntés à la mode indienne et asiatique. Cela reste sobre et élégant.
Yves Saint Laurent né en Algérie, faisait lui déjà des clins d’oeil à un héritage d’Afrique du Nord retrouvé dans les étoffes, couleurs chamarrées et imprimés, notamment dans son show printemps/été en 1967 avec sa veste saharienne. Encore une fois sans sophistication.
Un marché lucratif
C’est un état de fait, le marché de la mode islamique pèse de plus en plus lourd, 96 milliards de dollars en 2014, sachant que la population musulmane va doubler d’ici 2019, le Haut monde de la mode changera à n’en pas douter son fusil d’épaule si ce n’est déjà le cas. Dubaï offre même des allégements fiscaux pour les créateurs de mode, faisant la cour aux jeunes couturiers musulmans susceptibles de déménager dans le Golfe.