Retour sur Richard Mosse, l’homme qui capture la guerre en rose

Un bain de sang gigantesque… Pendant 20 ans la République du Congo s’est empêtrée dans une guerre sans merci et son bilan fait froid dans le dos. Pacifiquement armé de pellicules infrarouge, le photographe Richard Mosse s’est alors immiscé sur le front afin d’en révéler une réalité aussi rageuse qu’invisible.

D’un côté des chiffres destructeurs, 4,5 millions d’âmes décimées par la faim, la maladie ou par les balles, 184000 viols, un massacre constant perpétré par une quarantaine de rebelles armés jusqu’aux dents piétinant de leur folie meurtrière un pays tout entier entre 1998 et 2007. De l’autre une dimension éthique et des enjeux complexes.

Dans sa série « Infra » et son mini film militaire « The Enclave », auréolé du célèbre prix Deutsche Börs en 2014, le photo-journaliste Richard Mosse se faufile entre les lignes de la violence dans l’est congolais, à coups de déphasage chromatique, d’hyper rose et de lucidité dont il placarde avec créativité la rupture d’un peuple avec ses terres.

« Ce film a le potentiel de lever le voile sur l’imperceptible. Le conflit au Congo est très caché et c’est un énorme désastre sur le plan humain mais les gens ne daignent s’y intéresser, ils s’en foutent royalement. « 

Usant de pellicules photo Aerochrome de Kodak, utilisées par l’armée américaine dans les 40´s afin de déceler les camouflages adverses, cet irlandais revisite donc magistralement la photographie de guerre. La végétation congolaise tourne au magenta, les uniformes de combat s’exhibent en violet, l’invisible devient visible, soudainement l’oeil humain occidental se voit comme attiré, c’est ici une histoire de couleurs saturées et de conceptualisation contre l’aveuglement des pays riches qui est illustrée.

Intenses, ses clichés révèlent aussi l’aspect sanguinaire couplé à la dangerosité extrême sur le terrain comme en novembre 2012 lorsque Richard Mosse s’est retrouvé pris au piège au milieu de la Bataille de Goma :

« Habituellement lorsque les combats font rage en Afrique, les médias se pointent 24 à 48h plus tard, protégés par leur gilets par balles en kevlar. Mais ce n’était pas notre cas, nous avons assisté en direct à un massacre de six personnes, incluant femmes et enfants. »

Comme souvent, lorsque les mots ne suffisent plus, les images prennent le relais et parlent d’elles même.

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