STACY KRANITZ : La photographe qui couche et se drogue avec la pauvreté américaine pour lutter contre les clichés

Jouer avec le feu, pénétrer dans l’intimité la plus obscène des laissés pour compte américains et suivre à la lettre le quotidien des victimes d’un capitalisme sans état d’âme, la photographe Stacy Kranitz en a fait son mode de vie. Photographe Instagram de l’année en 2015 selon le TIME, elle fascine autant qu’elle ne procure la désagréable envie de rendre dans la cuvette. Peut être parce qu’elle s’amuse dans sa série « As it Was Given To Me », de la fausse vérité des documentaires, trop souvent créateurs de représentations subjectives et de raccourcis stéréotypés.

Sans remords et vivant régulièrement dans sa voiture, cette native du Kentucky se plonge depuis 2010 corps et âme dans la vie des marginaux sans argent des Appalaches dans l’Est américain, là même où la guerre anti-pauvreté fut ironiquement lancée en 1964 par Lyndon B Johnson et là où apparente misère et mythes/clichés les plus fous grignotent encore aujourd’hui les zones rurales de cette chaine montagneuse.

Consciente de l’éternel et stigmatisant discours historique sur la pauvreté définissant la région, Stacy Kranitz a commencé à shooter activement les stéréotypes habituels glués aux Appalaches afin de les contester eux-même. Ainsi, des photos de strip-teaseuses, d’abus d’alcool et de drogues ou du KKK s’entrecoupent de plans de paysages et de natifs verdoyants vaquant à leur vie quotidienne.

« Je cherche à amener les viewers à remettre en question ce qu’ils pensent de la pauvreté, et de se demander d’où elle provient et comment elle a été fétichisée. »

Au fil de son aventure, celle qui a fait ses gammes en tant que street photographe à NYC, peaufine à chaque stop sa vision de ce que la pauvreté représente. Indéniablement, ses méthodes dites d’approche sont  controversées : Se laisser aller avec des hommes à la testostérone hors norme qu’elle photographie, amour d’un soir ou d’une semaine, soirées à risque et hématomes en pagaille ou moments sous effet avec des toxicomanes, comme si la compréhension de ce type de vie alternatif passait par l’exploration totale de celui-ci.

Pourtant c’est faux. A ses dires, c’est avant tout enjamber les obstacles, flirter avec l’interdit et rapprocher les mondes que cette intrépide désinhibée recherche.

« Je doute que prendre des drogues ou avoir des relations sexuelles avec les gens ne m’aident pas à les comprendre davantage. Ce qui m’intéresse c’est de flouer les frontières de ma vie privée et professionnelle. »

À travers ses clichés caressant dans le sens du poil des idées reçues tenaces, Stacy Kranitz s’attaque de front à la tradition de la photo-documentaire, réimagine et subvertir la forme établie ainsi que l’intention du genre. D’ailleurs CNN est tombé dans le panneau en utilisant ses photos afin de relater « la vie désastreuse des habitants des Appalaches », sans se rendre compte de l’aspect fictionnel du travail de Stacy Kranitz.

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