Voyage pas comme les autres en Arabie Saoudite avec Olivia Arthur, là où être femme n’est pas si facile mais peut rimer avec force d’esprit et féminité.
Un CV loufoque, des études de maths à Oxford, puis un road trip en Inde en 2003, fabuleux tournant dans sa vie et élément déclencheur de sa carrière de photographe, l’anglaise Olivia Arthur est depuis 2013 membre de l’agence emblématique Magnum et ses crapahutages à risque en Orient y sont certainement pour quelque chose.
Son sujet d’étude et son leitmotiv? Documenter à sa manière, le quotidien des femmes évoluant dans des pays tristement réputés comme incroyablement fermés et historiquement répressifs voire hostiles à leur émancipation. Après un saut de circonstance en Iran puis une escale à la frontière entre l’Europe et l’Asie afin de faire un focus sur la gente féminine du coin , a été publié en 2012 son ouvrage Jeddah Diary, dans lequel elle relate son immersion totale dans l’intimité des femmes d’Arabie Saoudite.
À peine entrée sur le territoire, cette aventurière dans l’âme s’est heurtée à ces lois condamnant les prises de photos, même lorsque celles-ci semblaient sans intérêt. Pourtant paradoxalement c’est bel et bien au cours d’un workshop donné à des femmes photographes locales qu’Olivia Arthur a pu se rapprocher de ses futurs sujets et ainsi les suivre dans leur vie privée à l’écart des rues vides dans lesquelles la police religieuse a « le droit de vous demander d’enfiler votre voile ». Les autorités saoudiennes semblent selon elle, s’inquiéter davantage du respect des « dress codes » que de la « menace » politique que certains peuvent représenter.
« Les femmes de ces pays sont des citoyens de seconde zone mais au lieu de montrer qui elles sont, je cherche à illustrer leur vie et leurs choix, bons ou mauvais. »
Ses pérégrinations dans un pays qu’elle juge jeune et dont « la société et l’image de soi là-bas sont une préoccupation de tout instant », l’ont menée dans la ville de Jeddah sur les bords de la mer rouge.
Sur le campus de l’université flambant neuve d’Effat, la photographe à contre toute attente eu droit à des cours de féminité et de mode tant les étudiantes laissaient entrevoir des looks ultra modernes et tendances sous leur abayas au point qu’Olivia Arthur s’est alors sentie être la femme la plus has-been d’Arabie Saoudite vestimentairement parlant :
« Ces filles m’ont désespérée, elles disaient : « Ok Olivia, tu vas aller te maquiller et nous allons te montrer comment être féminine. »
Comme quoi la mode islamique n’a pas à rougir de sa voisine occidentale. À travers ses clichés, la photographe cherche aussi à dépeindre un portrait ni blanc ni tout noir de la condition féminine en Arabie Saoudite, c’est davantage son voyage et son vécu qui ressortent ici avec esthétisme et vérité.
« La diversité est un truc que les gens oublient quand ils parlent d’un pays comme celui là. Pour eux, soit tout le monde est conservateur, soit tout le monde est libéré. C’est faux. On remarque ici des franges très distinctes les unes des autres. »
Constat avéré, de plus en plus de femmes travaillent en Arabie Saoudite, même si elles ne sont pas autorisées à conduire légalement. La ségrégation entre les genres faiblit lentement mais reste porteuse d’espoir, l’en atteste la loi mise en vigueur contre la maltraitance des femmes et les élections municipales en décembre 2015, au court desquelles les saoudiennes ont voté pour la première fois de leur histoire. Résultat : 21 femmes élues.
Le chemin vers l’émancipation est encore long mais des signes d’ouverture se dégagent tant la gente féminine du pays n’hésite plus à joindre la pensée aux actes en se mobilisant pour un avenir meilleur. En témoignent certaines militantes déambulant en 2013 au volant de voitures de luxe dans les rues, en signe de protestation à une loi jugée absurde, épaulées par une vidéo buzz, « No Women, No Drive », reprise du célèbre tube de Bob Marley et évoquant avec un soupçon d’ironie les raisons étranges à cette interdiction grotesque. C’est le paradoxe Saoudien dans toute sa splendeur.